jeudi 13 août 2015

Idée reçue : les cadres ne font pas d'heures supplémentaires

Mis à jour le 26 juillet 2016

Une idée assez répandue veut que les cadres ne fassent pas d'heures supplémentaires, et de ce fait, les erreurs de rédaction sont fréquentes dans les contrats de travail.

Tout d'abord, il faut retenir que, comme tout salarié, à défaut de précision contraire dans le contrat de travail, le cadre est réputé travailler 35 heures par semaine, la durée légale de travail (Article L3121-27 du Code du travail).

"Non-sens !", diront certains, "On n'a jamais vu un cadre travailler 35 heures par semaine". Effectivement, les cadres ont, en général, une charge de travail conséquente, puisque ce statut suppose des fonctions d'une haute technicité, l'encadrement de collaborateurs, des responsabilités, etc. Par conséquent, si le contrat ne prévoit rien de précis concernant la durée du travail, les heures accomplies au-delà de 35 heures devront être rémunérées en tant qu'heures supplémentaires et donneront droit à majoration. 


L'entreprise qui embauche des cadres et qui cherche à optimiser l'organisation du temps de travail va préférer opter pour un aménagement du temps de travail (I). Toutefois de tels aménagements ne sont pas nécessaires pour les cadres dirigeants, lesquels ne sont pas soumis aux dispositions relatives à la durée du travail, aux repos et aux jours fériés (II).


Le cadre au forfait jours



Le principe


Il existe plusieurs dispositifs permettant d'anticiper le paiement des heures supplémentaires. L'entreprise peut, par exemple, fixer un horaire collectif supérieur à 35 heures (39 heures par exemple). La rémunération des heures supplémentaires qui en résulte est alors lissée conformément aux règles relatives à la mensualisation du salaire (article L. 3242-1 du Code du travail).

Il est également possible de forfaitiser les heures supplémentaires en les appréciant sur la semaine sur le mois ou l'année (Article L. 3121-53 et suivants du Code du travail).


Mais qu'il s'agisse d'un horaire collectif incluant des heures supplémentaires ou d'une convention de forfait en heures, le salarié qui dépasse le volume horaire convenu doit être rémunéré des heures effectuées au-delà de ce qui a été convenu.

Pour écarter totalement le décompte en heures, il existe le décompte en jour (
Article L. 3121-53 et suivants du Code du travail). C'est ce qu'on appelle la convention de forfait en jours sur l'année, ou le "forfait-jours" (Article L.3121-58 et suivants du Code du travail).

La convention de forfait-jours est conclue par contrat ou par avenant au contrat (article L.3121-55 du Code du travail),
si un accord collectif en vigueur dans votre entreprise le prévoit (article L.3121-63 du Code du travail). En présence de cette convention la notion d'heure tout comme la notion d'heure supplémentaire disparaît. C'est ici que l'on trouve la première explication de notre idée reçue. Le décompte du temps de travail a lieu en jour indépendamment du nombre d'heures travaillées dans la journée (les accords collectifs peuvent prévoir le décompte en demi-journée). Cela permet de simplifier le décompte de la durée du travail. Ni le salarié, ni l'entreprise n'a alors à s'interroger sur le cas des déjeuners d'affaires, des déplacements ou de toute autre situation qui doit ou non donner lieu à rémunération.

Ce forfait va fixer le nombre de jours travaillés dans l'année dans le respect des stipulations de l'accord autorisant sa conclusion, et du plafond de 218 jours prévu par la loi (Article L.3121-64, I., 3° du Code du travail).


Les jours supplémentaires


Un salarié n'étant pas au forfait jours travaille plus ou moins 230 jours par an. Un cadre au forfait de 218 jours bénéficiera donc d'une dizaine de jours de repos par an en plus de ses congés payés.

Par exemple, en 2015 :

Calcul jours de repos cadre

Le décompte se faisant en jours et non en heures, les heures supplémentaires ne s'appliquent plus. Mais le Code du travail a prévu la possibilité de dépasser le plafond de 218 jours en renonçant à des jours de repos d'un commun accord avec l'employeur (Article L.3121-59 du Code du travail). Dans ce cadre, les jours travaillés en plus par le salarié devront être rémunérés en suppléments et majorés de 10%.
Cette renonciation va prendre la forme d'un avenant au contrat de travail conclu pour l'année en cours, et donc préalable au dépassement du forfait. Cet accord fixera : 
- le nombre de jours à ajouter au forfait annuel dans le respect de l'accord collectif encadrant le forfait jours. A défaut de précision dans l'accord, le plafond est fixé à 235 jours (Article L.3121-66 alinéa 1 du Code du travail) ;
- une rémunération complémentaire qui devra inclure une majoration minimale de 10% de la rémunération.

    N.B. : Depuis la loi du 20 août 2008, il n'est plus possible de reporter sur les trois mois de l'année suivante le bénéfice des jours de repos non pris par le salarié au forfait. 


    Le retour aux heures


    La convention de forfait-jours écarte l'application de la législation relative aux heures supplémentaires. Mais si les dispositions relatives au forfait-jours ne sont pas respectées, la convention de forfait est invalidée. L'exception du décompte en jours ne vaut plus et le décompte en heures est à nouveau la règle.
    Le salarié sera alors en droit de demander un rappel de salaire pour l'ensemble des heures qu'il aura accomplies au-delà de 35 heures (Cass. soc., 30 avr. 2014, n° 13-11.034).

    La convention de forfait jours se trouve écartée au profit d'un décompte en heures dans plusieurs situations : 
    - L'entreprise n'est pas couverte par un accord collectif d'entreprise ou de branche instituant le forfait-jours ; 
    - L'entreprise ne respecte pas les termes de l'accord collectif permettant le recours au forfait-jours (champ d'application, suivi de la charge de travail, communication périodique avec le salarié sur des sujets précis, modalités d'exercice du droit à la déconnexion etc.) ; 
    - L'accord collectif mettant en place le forfait-jours ne comprend pas l'ensemble des mentions imposées par le Code du travail et l'employeur ne respecte pas les dispositions supplétives applicables à défaut de stipulations conventionnelles.


    II. Le cadre dirigeant


    Attention : Le cadre dirigeant ne doit pas être confondu avec le mandataire social (gérant, président, directeur général...), désigné dans les statuts de la société pour représenter cette dernière.

    Le cadre dirigeant, salarié de l'entreprise, est soumis à la réglementation du Code du travail. Mais du fait de son autonomie et de son indépendance, une partie de la réglementation relative au temps de travail est écartée.

    Sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant, les salariés réunissant les caractéristiques suivantes :
    Les critères du cadre dirigeant



    (Article L.3111-2 alinéa 2 du Code du travail ; Cass. soc., 31 janv. 2012, n° 10-24.412, n° 271 FS - P + B + R).

    Si ces conditions sont réunies, les règles concernant la durée du travail sont exclues, notamment le décompte et le contrôle de la durée du travail et donc les heures supplémentaires (Article L.3111-2 alinéa 1 du Code du travail).

    Pour information : Le cadre dirigeant n'est pas non plus soumis aux dispositions portant sur les repos quotidiens, hebdomadaire, et les jours fériés.

    On trouve ici une seconde explication à l'idée reçue selon laquelle les cadres ne font pas d'heures supplémentaires.

    Oubliez donc toute autre clause dans le contrat de travail, qu’il s’agisse des 35 heures, d’une convention de forfait (notamment le forfait jours), ou encore d’un temps partiel. Elles sont sans effet sur le statut de cadre dirigeant qui s'applique de plein droit (Cass. soc., 28 septembre 2016, n°15-10736).

    Dans tous les cas, il est préférable de ne rien mentionner. En effet, la rédaction de certaines clauses pourrait remettre en question l'autonomie du cadre et donc la non soumission au décompte de la durée du travail. Alors qu'un contrat prévoyait que le salarié ne pouvait refuser d'effectuer des heures supplémentaires, la Cour de cassation a estimé qu'une telle disposition écartait, de fait, le statut du cadre dirigeant, car elle remettait en question la grande indépendance de l'intéressé dans la gestion de son emploi du temps (Cass. soc., 27 mars 2013, n° 11-19.734, n° 581 FS - P + B).

    Pour autant, le statut de cadre dirigeant reste peu fréquent. Tout d'abord parce que dans les sociétés à taille modeste, c'est le mandataire social, possédant également les parts de la société, qui va assumer seul la direction de l'entreprise. Le mandataire social n'étant pas un salarié de l'entreprise, le décompte du temps de travail ne lui est pas non plus applicable.

    Ensuite, parce que dans les sociétés plus grandes, les cadres dirigeants représentent une très faible proportion des salariés de l'entreprise du fait des conditions posées par le Code du travail, rarement remplies en pratique.

    Pour conclure, seuls les cadres qui du fait d'un aménagement du temps de travail ou de leur statut de cadre dirigeant ne font pas d'heures supplémentaires. Ces salariés ne constituent pas la majorité des cadres.


    A. Drajel  

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