dimanche 9 août 2015

Qui a le dernier mot en matière de congés payés ?

Mis à jour le 19 juillet 2017

Beaucoup de fantasmes existent sur la question des congés :"les congés payés sont un droit, j'en dispose comme je l'entends" ou encore "J'organise mon entreprise selon mes besoins. Mes salariés n'ont qu'à s'y plier".

En réalité, comme pour la plupart des questions qui se posent en droit du travail français, la réalité est plus complexe. Dans l'ensemble, on peut néanmoins retenir que l'employeur est le chef d'orchestre. Et comme tout chef d'orchestre, il devra respecter une partition.


I. Du 1er mai au 31 octobre : l'employeur décide, mais non sans limites

Sur la possibilité d'utiliser des congés par anticipation consultez l'article Anticipation, report et remboursement de congés.

Le principe veut que ce soit l'employeur qui fixe l'ordre des départs en congés (ArticleL.3141-16, 1°, b), du Code du travail). Autrement dit, l'employeur décide qui part, et à quelle date.

Pour ce faire, il doit néanmoins se conformer à un cahier des charges. Sans quoi, les salariés pourront lui reprocher de n'avoir pas suivi la procédure et seront en droit de refuser des dates de congé qui ne leur conviendraient pas.

Dans une telle situation, l'employeur ne pourrait plus légitimement avoir recours à son pouvoir disciplinaire (Cass. soc., 23 janv. 2002, n° 99-46.143), et pourrait même être amené à verser des dommages-intérêts (CA Paris, 22e ch., sect. A, 18 mars 2009, n° S 07/03748).

Calendrier des formalités en matière de congés payés

A. L'obligation de fixer la période de prise des congés


La période de prise des congés payés peut être par accord collectif. Il convient donc de rechercher avant toute chose dans la convention collective ou les accords vous étant applicables si des dispositions existent. 

Notez-le : si vous souhaitez connaitre la convention de branche qui vous est applicable, celle-ci est mentionnée sur votre bulletin de salaire.

La période de prise des congés comprend, dans tous les cas, la période se situant du 1er mai au 31 octobre (ArticleL.3141-13 du Code du travail). Elle peut être plus étendue et en pratique elle est souvent fixée pour une durée annuelle (exemple : du 1er mai au 30 avril de l'année suivante).

S'il n'existe pas de disposition prévue par accord, c'est à l'employeur de la fixer chaque année après consultation du comité d'entreprise ou des délégués du personnel lorsqu'ils existent (ArticleL.3141-15, 1° du Code du travail).
Cela ne veut pas pour autant dire que les congés des salariés devront s'étaler du 1er mai au 31 octobre. Puisque c'est l'employeur qui fixe l'ordre des départs, il pourra restreindre les absences aux périodes qui s'imposent en raison de son activité (exemple : le mois d'août).

Après consultation, l'employeur devra informer les salariés de la période pendant laquelle ils peuvent partir en congés en respectant un délai de deux mois avant le début de ladite période (ArticleD.3141-5 du Code du travail).

Si la période de prise des congés débute le 1er mai, les salariés devront être informés au plus tard le 1er mars. Ce sera l'occasion pour l'entreprise de demander à ses salariés de formuler leurs souhaits concernant leurs dates de départ.

B. Les impératifs à prendre en compte pour fixer les dates


1. L'employeur doit tenir compte de la situation personnelle des salariés


Il arrive parfois que plusieurs salariés, compte tenu de leurs souhaits et/ou impératifs, soient en concurrence sur certaines périodes. Et des départs simultanés de plusieurs salariés peuvent s'avérer problématiques pour l'entreprise.


C'est pourquoi, au regard des souhaits formulés par les salariés, avant de fixer les dates de départ, l'employeur doit tenir compte des éléments suivants (ArticleL.3141-16, 1°, b) du Code du travail), sauf dispositions conventionnelles prévoyant des critères différents :

  • La situation familiale des salariés et de leur conjoint ou partenaire de PACS ;
  • L'ancienneté des salariés ;
  • Le cas échéant, de leur activité chez un ou plusieurs autres employeurs.
Ces dispositions sont néanmoins écartées dans le cas où l'employeur prévoie la fermeture de son entreprise pendant l'été comme l'envisage le Code du travail (Article L.3141-19 du Code du travail). En effet, dans cette situation, tous les salariés partiront en congé au même moment et il n'y aura pas de préférence à donner à l'un ou à l'autre.

2. La durée du congé est balisée


Outre la question des dates, le Code du travail règlemente les durées minimales et maximales de congé principal.


Le congé dit "principal" doit être au minimum de 12 jours ouvrables continus (10 jours ouvrés) compris entre deux jours de repos hebdomadaire - comprenez entre deux dimanches dans la plupart des cas -, et au maximum de 24 jours ouvrables (20 jours ouvrés). Sauf dispositions conventionnelles différentes, ce congé doit être positionné entre le 1er mai et le 31 octobre (Article L.3141-23 alinéa 2 du Code du travail).

Cela signifie que l'employeur devra au minimum fixer deux semaines de congés par personne et au maximum quatre semaines.

Si le salarié veut, malgré tout, prendre plus de 24 jours ouvrables (20 jours ouvrés) consécutifs, il doit justifier de contraintes géographiques ou de la présence au sein du foyer d'un enfant ou d'un adulte handicapé ou d'une personne âgée en perte d'autonomie (ArticleL.3141-17 du Code du travail).

Autrement, il sera possible de prévoir une cinquième semaine de congé qu'elle se situe ou non entre le 1er mai et le 31 octobre dès lors qu'elle n'est pas être accolée aux quatre premières.

3. Le fractionnement du congé est réglementé


Le congé principal s'entend d'une seule et même absence. Si l'employeur souhaite répartir les jours de congé en plusieurs périodes, et donc en plusieurs absences non consécutives, il faudra qu'il respecte deux impératifs:

Sauf disposition conventionnelle différente, la première période d'au moins 12 jours ouvrables continus devra être fixée pendant la période située entre le 1er mai et le 31 octobre (ArticleL.3141-23, 1° du Code du travail).


Les dates pour bénéficier des jours restants pourront être fixées entre le 1er mai et le 31 octobre ou ultérieurement à l'intérieur de la période de prise fixée par l'employeur.

C. Les formalités préalables


1. L'employeur doit consulter ses représentants du personnel


Une fois que l'employeur a établi un projet de calendrier des départs en congé, il doit consulter le comité d'entreprise ou, à défaut, ses délégués du personnel s'ils existent (ArticleL.3141-16, 1°, b) du Code du travail).

Tout comme pour la consultation concernant la fixation de la période de prise des congés, la consultation des représentants du personnel sur l'ordre des départs en congé pourra se faire à l'occasion de la réunion mensuelle, ou d'une réunion extraordinaire à l'issue de laquelle ils formuleront un avis. L'employeur ne sera pas pour autant dans l'obligation de suivre cet avis. 

NB : depuis la loi Travail (article 8, loi du 8 août 2016 n°2016-1088 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels) même si l'employeur envisage une fermeture de l'entreprise qui entraîne le fractionnement du congé (congé de moins de 24 jours ouvrables ou de 20 jours ouvrés), il n'a plus l'obligation de requérir l'avis conforme des délégués du personnel ni l'agrément des salariés (ArticleL.3141-19 du Code du travail).

2. L'employeur doit informer les salariés



Enfin, l'employeur doit communiquer par tout moyen à chacun de ses salariés l'ordre des départs en congé au moins un mois avant leur départ (Article D.3141-6 du Code du travail).

II. Du 1er novembre au 30 avril : l'employeur décide plus librement


A. Comment calculer les congés restants : les jours de fractionnement ?


Une fois les congés principaux posés, il restera au salarié, à bénéficier :

  • De la cinquième semaine de congé (sauf à l'avoir utilisée également pendant l'été) ;
  • Des jours restants si le salarié a bénéficié de moins de quatre semaines pendant l'été ;
  • Des éventuels jours de fractionnement.
Les jours de fractionnement sont des jours de congé supplémentaires qui sont acquis en raison du faible nombre de congés dont le salarié a bénéficié pendant la période principale de départ en congé (Article L. 3141-23, 2° du Code du travail). 

Ces informations sont à relativiser car un accord ou une convention collective peut prévoir des dispositions différentes et donc ne pas octroyer de jours de fractionnement.

Ils sont acquis de la façon suivante :

  • 2 jours ouvrables lorsque le congé pris en dehors de la période est au moins égale à 6 jours ouvrables. Autrement dit, si le salarié a bénéficié d'un congé principal de 12 à 18 jours ouvrables ;
  • 1 jour ouvrable lorsque le congé pris en dehors du 1er mai au 31 octobre est compris entre trois et cinq jours ouvrables. C'est-à-dire, si le salarié a bénéficié d'un congé principal de 19 à 21 jours ouvrables ;
  •  0 jour au-delà.
Si l'employeur veut s'opposer à ce que le salarié acquière des jours de fractionnement, il devra obtenir de la part du salarié une renonciation écrite préalable. Il faudra donc y penser au moment où les souhaits de départ en congé sont examinés.

N.B. : Ces jours de fractionnement sont dus si le salarié pose  le reliquat de son congé principal en dehors du 1er mai au 31 octobre. Si ce reliquat est posé entre le 1er mai et le 31 octobre de l'année N+1, il n'aura pas droit à des jours de fractionnement.

B. Comment bénéficier des jours restants?


Ces jours pourront être accordés librement en une ou plusieurs fois mais l'employeur reste malgré tout maître de la fixation des dates de départ. Pour ce reliquat, il n'existe pas de durée minimale, pas de limite de fractionnement ni de période restreinte dans ce cas. Rien n'empêchera par ailleurs l'employeur de décider d'une période de fermeture (à Noël par exemple).

Dans tous les cas, le bénéfice des congés est reconnu comme un droit (ArticleL.3141-1 du Code du travail). L'employeur devra donc s'assurer que le salarié bénéficiera de ses cinq semaines de congés payés avant la fin de la période de prise.

Pour conclure, le salarié ne décide pas unilatéralement de ses dates de congé, sauf à ce que l'employeur soit défaillant. Le salarié les propose à l'employeur qui les examine.

En fonctions des impératifs organisationnels, l'employeur pourra retenir les dates choisies par le salarié ou d'autres dates, sous réserve dans certain cas, d'obtenir l'accord du salarié.



A. DRAJEL

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